Pourquoi ces écarts de prix entre les médicaments?, Lyne Duhaime, présidente de ACCAP-Québec
Date de parution : 03/11/2016 Source : Le Soleil Personne(s)-ressource(s) : Suzie PellerinEn réaction au texte «Les assureurs doivent être plus transparents» paru le 8 mars
Le 24 février, la section québécoise de l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes (ACCAP-Québec), s'est présentée devant la Commission de la santé et des services sociaux, dans le cadre des consultations sur le projet de loi no 81, visant à réduire le coût de certains médicaments couverts par le régime général d'assurance médicaments en permettant le recours à une procédure d'appel d'offres. À cette occasion, les représentants de l'ACCAP-Québec ont mis en lumière l'écart entre le coût des médicaments pour les assurés du volet privé et ceux du volet public du régime général d'assurance médicaments.
Dans une lettre adressée au journal Le Soleil, certains pharmaciens indiquent que les sociétés d'assurances «tentent d'expliquer tous les maux du système de santé québécois avec une interprétation simpliste de l'augmentation du budget associé à la médication». Les sociétés d'assurances savent bien entendu que l'augmentation du coût des soins de santé, y compris celui des médicaments, est tributaire de différents facteurs, et principalement du vieillissement de la population.
Depuis 1997, tout régime d'assurance collective offrant des garanties en cas de maladie doit aussi comprendre une couverture d'assurance médicaments. Cette couverture doit à tout le moins correspondre à celle du régime général d'assurance médicaments. En outre, lorsqu'un Québécois a accès à une couverture d'assurance médicaments au travail ou par l'entremise de son association professionnelle, il doit y adhérer, de même que son conjoint et ses personnes à charge. Il s'agit du volet privé du régime général d'assurance médicaments. Lorsqu'un Québécois n'a pas accès à une telle couverture, il s'assure alors auprès du volet public du régime général.
Malheureusement, les Québécois qui participent au volet privé du régime général paient en moyenne 17 % de plus pour leurs médicaments que ceux qui sont assurés par le volet public. Lorsqu'il s'agit d'un médicament générique, cet écart atteint 37 %. Le prix de la molécule elle-même (du médicament) étant identique pour les deux volets, la différence provient des honoraires et des frais des pharmaciens. Rappelons que le volet public du régime général d'assurance médicaments n'est aucunement un régime d'assistance. Un grand nombre de ceux qui y participent sont des travailleurs autonomes. Le volet privé comprend quant à lui tous les travailleurs du Québec qui ont accès à un régime d'assurance collective, aussi petite soit leur organisation. C'est cette iniquité entre les Québécois que les assureurs dénoncent au nom de leurs clients et assurés.
L'ACCAP-Québec dénonce également l'opacité de la facture du pharmacien. Combien de Québécois savent que, lorsqu'ils paient leurs médicaments à la pharmacie, le montant réclamé comprend le prix du médicament lui-même, mais aussi l'honoraire et les frais du pharmacien, et que ceux-ci varient d'une pharmacie à l'autre? Pour trouver des solutions à l'iniquité que nous dénonçons, il faut d'abord comprendre le mode de calcul des honoraires professionnels des pharmaciens.
Ajoutons qu'il est tout simplement erroné de laisser entendre que les assureurs ne font pas preuve de la transparence qui est réclamée des pharmaciens. L'industrie de l'assurance maladie privée est fortement concurrentielle, et lorsqu'ils choisissent leur assureur, les employeurs ont en main l'information détaillée et complète concernant le coût de leur régime.
Pour conclure, ceux qui absorbent cette différence de 17 % sont principalement les employeurs, les syndicats et les employés. Pour plusieurs, cette différence s'ajoute aux cotisations sociales qui sont déjà plus importantes au Québec que dans les autres provinces canadiennes. Sachant que le volet privé du régime général d'assurance médicaments a pris en charge près de 4 milliards $ en frais de médicaments en 2014, une surcharge de 17 % représente des sommes considérables pour le 60 % de la population qui assume ces coûts.
C'est afin de protéger la pérennité des régimes d'assurance collective que l'ACCAP-Québec a choisi de dénoncer cette iniquité en commission parlementaire. Y mettre fin ne résoudra pas la question complexe de l'augmentation du coût des soins de santé et des médicaments, mais fera en sorte que les Québécois paieront tous le même prix pour leurs médicaments.
Lyne Duhaime, présidente de ACCAP-Québec